Comment préserver les vieilles forêts tropicales avec la compensation carbone ?

Planter des arbres pour compenser le carbone ! Telle est la nouvelle injonction de l’humanité pour séquestrer le carbone que nous avons libéré dans l’atmosphère. Les offres de plantations ne manquent plus ! Effet de mode ? Greenwashing ? Une frénésie semble envahir les particuliers, les entreprises et les collectivités pour « piéger » le carbone que nous émettons avec des équivalences végétales. Au lieu de diminuer à la source leurs émissions de CO2 pour limiter l’effet de serre et donc le réchauffement climatique, la plupart des acteurs se contentent de les compenser en constituant des stocks de carbone via la plantation d’arbres. En effet, les ingénieurs forestiers considèrent que 20 à 50 kg de CO2 est absorbés par arbre et par année. Mais, pour Univet Nature, planter des arbres n’est pas suffisant pour préserver la biodiversité. Univet nature soutient des projets qui visent à préserver la biodiversité des forêts primaires.

1. Les arbres âgés sont des puits de carbone plus efficaces que leurs jeunes descendants

Les résultats des travaux de scientifiques californiens du Centre de recherche écologique de Three Rivers, publiés dans la revue Nature, indiquent que sur plus de 400 types d’arbres étudiés, ce sont les spécimens les plus vieux et donc les plus grands de chaque espèce qui grandissent le plus vite et qui absorbent ainsi le plus de CO2. Ces recherches contredisent le postulat selon lequel les vieux arbres contribueraient moins à la lutte contre le réchauffement climatique. On pensait en effet que les jeunes arbres étaient de meilleurs remparts au changement climatique en séquestrant davantage de CO2 que leurs lointains aînés. Pas du tout. Les arbres âgés représenteraient des puits de carbone plus efficaces que leurs jeunes descendants.

Arbre dans le PN Zombiste – photo Benjamin Kabouche

Il est difficile de mesurer la capacité de stockage d’un arbre seul et encore moins pour un massif forestier. Assurément, les arbres tropicaux ont des capacités de stockages supérieurs aux autres ; la masse varie d’environ 400 kg/m3 pour un peuplier ou un pin Weymouth à 1000 kg/m3 pour un charme, un buis ou un olivier, et même 1400 kg/m3 pour des bois d’ébène.

La stratégie d’action d’Univet Nature s’est appuyée sur cette base car elle vise, en effet, à favoriser l’acquisition de parcelles de forêts primaires et de financer leur surveillance contre les coupes illégales. Il ne s’agit pas pour nous de contribuer au « renouvellement » de la forêt avec un « Horizon de coupe » à 49 ans ! Pour nous une forêt n’a pas de limite dans le temps. Pas de bornes. La sylviculture, même durable, n’a pas vocation à restaurer une chaine trophique complète. Les arbres sont des végétaux qui peuvent vivre des millénaires si les conditions environnementales de leurs écosystèmes ne sont pas trop bouleversés (climat, sols, incendies, coupes, etc.).

2. Restaurer les corridors écologiques et réduire la fragmentation des écosystèmes

Les forêts sont détruites par des coupes et des incendies. D’une façon plus pernicieuse, la biodiversité disparait également lorsque les massifs forestiers sont fragmentés. La fragmentation d’un écosystème naturel consiste en la division du paysage en lieux plus petits et isolés, séparés par des paysages transformés par les activités humaines (champs agricoles, villes, canaux, piste forestière, etc.). Une étude à grande échelle révèle que la division des habitats naturels aura des effets négatifs à long terme non seulement sur la biodiversité des écosystèmes mais aussi sur leur fonctionnement. On parle d’« effet-lisière » qui induit tout un ensemble d’effets négatifs notamment sur les espèces originelles dont le nombre peut chuter à la faveur, entre autres, de l’arrivée d’espèces envahissantes.

Forêt d’Ambodiriana et zone à restaurer – Benjamin Kabouche

Les programmes de plantations engagés par Univet Nature visent essentiellement à restaurer les espaces dégradés afin de reconstituer des corridors écologiques. Ils sont essentiels pour la survie des espèces vivant dans un paysage fragmenté. Ces corridors permettent le brassage génétique des grands mammifères cherchant à se reproduire dans un vaste territoire agricole. L’utilisation de corridors biologiques assure une certaine continuité entre les habitats ; c’est très efficace pour la conservation des félins et des primates.

Indri indri efficace disperseur de graines de la forêt. Parc National de Mantadia (Benjamin Kabouche)

3. Planter d’abord pour préserver la biodiversité existante

Les arbres séquestrent du carbone et favorisent la biodiversité… à condition qu’ils ne soient pas coupés quelques décennies après avoir été plantés ! Le bois mort est par exemple un gisement inestimable pour la microfaune. La biodiversité ne se résume pas aux végétaux supérieurs (arbres, plantes à fleurs…) et aux animaux vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens, poissons), dont fait bien sûr partie l’espèce humaine. Il existe une biodiversité « invisible », qui concerne les microorganismes, notamment dans les sols (1 gramme de sol contient entre 10 millions et un milliard de bactéries) et les eaux (micro-algues, zooplancton). Le changement climatique observé depuis environ 150 ans n’est pas la cause majeure de la dégradation récente de la biodiversité. Une étude récente menée sur plus de 8000 espèces menacées selon la liste rouge de l’Union Internationale de Conservation de la Nature montre en effet que les causes largement dominantes de leur déclin actuel sont la surexploitation des espèces sur les continents comme dans les océans, l’agriculture, l’élevage, de nombreuses modifications des sols par la déforestation et l’urbanisation, et les espèces invasives (Maxwell et al., 2016).

L’engagement d’Univet Nature

Pour Univet Nature, les forêts tropicales sont des espaces prioritaires d’intervention  parce qu’elles représentent 50 % des capacités mondiales de l’absorption de carbone, et parce que 50 à 70% des espèces vivantes en milieux terrestres se trouvent en forêts tropicales humides alors que ces dernières n’occupent que 7% des terres émergées.

En protégeant des parcelles de ces forêts, nous contribuons fortement à capter le CO2 dans l’atmosphère par la photosynthèse déjà très entamée par la disparition d’arbres liés aux incendies, à la sécheresse ou à la déforestation.

Le patrimoine faunistique et floristique est inestimable en zone tropicale. Aidez-nous à le préserver !

Références disponibles sur le net :

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-forets-tropicales-perdent-leur-capacite-absorber-co2-18346/

https://www.notre-planete.info/actualites/4612-compensation-carbone-fausse-solution-changement-climatique

https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_270617.pdf

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/plus-un-arbre-est-vieux-plus-il-absorbe-du-co2_12185

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/foret-fragmentation-ecosystemes-effets-seront-pires-prevu-58248/

https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/zoologie-foret-tropicale-biodiversite-756/

https://ecotree.green/blog/combien-de-co2-absorbe-un-arbre

https://www.nature.com/articles/nature12914